samedi 27 juin 2015

Chapitre I : Les salles de l'oubli (Partie I)


Le son d'une cloche retentit dans l'enceinte de l'école. La mélodie cristalline résonna plusieurs minutes, se répercutant sur chacun des murs en pierres taillées qui constituaient les bâtiments même de l'école.
 Un vent chaud s'engouffrait par la fenêtre de la classe. Tous les élèves étaient attentifs aux mots prononcés par notre enseignant. Cependant mes pensées, elles, se perdaient; dans le ciel bleu teinté de quelques taches blanchâtres et duveteuses, dans les rayons de soleil qui venaient éclairer les murs blancs de l'enceinte. Mon regard revenait dans la salle. Je scrutais les épaules et les chevelures des personnes assises devant moi.
  Mon regard s'arrêtait une fois de plus sur Elle. Sur son silence. Sur son visage dénué d'une quelconque ride qui aurait pu annoncer un sourire. Meringue. C'était Elle. En y réfléchissant maintenant, son surnom pouvait être facilement explicable. Plus jeune. Son visage rayonnait d'un sourire formidable, un faciès toujours joyeux, plein de douceur, sucré comme une meringue. Tous les jeunes garçons désiraient qu'elle puisse être leur amoureuse. Tous.
 Mais un jour... Son visage se voila, ce sourire sucré disparut. Du jour au lendemain. Elle redevint Eleanore. La petite Meringue fut à jamais perdue. Cette chaleur devint glace...
" Tu ne peux absolument pas t'empêcher de reluquer Meringue, toi." Me chuchota une voix féminine
derrière moi. A ce moment-là, je ne sus pas si Elle avait entendu. Mais elle inclina la tête en ma direction. Ses longs cheveux de flammes ondulèrent dans l'air le temps d'un instant. Nos regards se croisèrent.
Puis elle replongea son visage vers sa table...

Que dire de plus. Je la cherchais dans ma mémoire, je me sentais nostalgique en repensant à ce sourire perdu. Les souvenirs me hantant, de ces années passées. Je divaguais dans mes pensées. Les minutes s'écoulaient. Lentement, comme d'habitude.

Comme si cette salle de classe était un abîme temporel, dans lequel je ne pouvais rien faire d'autre que de me perdre dans mes songes. Parfois je les écrivais, les gribouillais, les dessinais, comme si je m'en débarrassais, pour ne pas que cette nuée m'encombre. 

Depuis toujours, je suis spectateur. Spectateur d'un théâtre d'humeurs, de dialogues, où toutes les personnes m'entourant sont les acteurs de cette pièce mal jouée.
Je regarde les autres agir, silencieusement, terré sous mon incapacité à rompre cette glace me séparant des autres. Une glace que j'ai subi, puis que j'ai finalement entretenu.
Je suis l'élève presque muet qui comble un vide, qui s'assied toujours à la même place, seul. Une coquille vide, faisant physiquement acte de présence, mais n'ayant que l'enveloppe de vraiment présente. Mon esprit erre, parfois il se manifeste, par quelques gouttes d'encre, quelques coups de crayon de papier, un soupir.

Mes yeux stoppent leurs aller-retours dans le vide et finalement, mon regard se re-pose sur Meringue.
 D'une main elle soupèse sa tête, de l'autre elle gribouille surement un coin de son cahier, elle aussi ayant son attention à toute autre chose que le cours en lui-même. Son visage est amorphe, livide.. 
  Je n'arrive plus à l'imaginer souriante. Je vois ce qu'est un sourire. Et je la vois telle qu'elle est. Mais le mélange des deux est surement un résultat désormais impensable, inatteignable.

On m'interpelle.

 "Tu es avec nous Ernis ? Ou es-tu encore entrain de rêvasser ?"
 Tout le monde se retourne vers moi, un ricanement moqueur général débute. Il illustre bien la réaction-type de ces animaux, qui sont censés être mes « camarades ».

Oui Ernis le rêveur, c'est moi. Enfermé entre quatre murs. Écroué moralement parmi tous ces abrutis. Je ne pense pas être assujetti à une quelconque haine de la part de qui que ce soit, cependant, je sais très bien que je suis un sujet de moquerie récurrent pour les autres. Mais qu'importe. Ils ne sont rien d'autre que des pots de fleur un peu bruyants. Des décorations néfastes, évoluant par petits groupes, ayant leurs leaders, leurs conversations, leurs crises d'hypocrisie.
 Aucune personne de la classe ne m'est proche ou familière. Ils ne m'apportent rien, de toute évidence.

J'essaie tant bien que mal de rattraper le fil du cours, je bâcle ma prise de notes, je ne sais même pas de quoi parlons-nous actuellement.

 Et cela représente mon ressenti de tous les jours. Je suis un engrenage -inutile, certes- faisant partie d'une machine géante. Cependant. Bien que présent parmi tous les autres rouages de cette machine-vie, le moteur fonctionne sans moi, il ne passe pas par moi. La vie n'a pas besoin de moi.

 Je resterais un éternel étranger..
 .. Quoi que je fasse. 


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